jeudi 27 novembre 2008

Tuque

   "Pute prude brune brut", c'est toute une phrase difficile à dire. On s'en est rendu compte aujourd'hui avec Thom et on a bien ri.
   Je suis rentré au Port de Tête et É. était bien joyeux, l'éclat dans l'oeil. Il m'explique que je viens de rater un lancement. Je lui demande du tac au tac s'il reste du vin et lui de répondre de me servir. On est à l'aise. Je trouve 2 Bukowski dont un illustré par Crumb. J'en suis bien content. É. me suggère Céline, Louis Ferdinand pas l'autre, auteur que je n'ai jamais lu. J'ai un choix déchirant alors je laisse aller un des Bukowski, l'usagé. É. le feuillette et trouve un vieux 2 piasse en papier entre les pages. Il me fait un rabais équivalant sur mes livres, j'en demandais pas tant. On se met à jaser de la bonne game d'hier, comment O'Byrne fait chier mais qu'il faut l'endurer parce qu'il promet. On verra ben...
   Je rentre dans le wagon de justesse comme les portes se ferment. Mon gros manteau fait de duvet de 23 oies accroche, ma tuque de pouel dans ma poche reste de l'autre bord... faich. Je me revire et je vois la madame avec ses yeux de B.A. qu'elle aurait donc voulu faire. C'est une bonne chrétienne ou une ancienne jeannette certain, ça se voit. C'est sûr que c'est la matante à quelqu'un.
   J'hésite à sortir à l'autre station parce que c'est quand même à Berri qu'est tombée et, diantre, quelles sont les probabilités? Je repense aux yeux à ma mantante et je descends. Il y a du bon en ce bas monde, on le sait.
   Comme le train s'en va, j'entends un bruit de bouteille qui se casse à terre et je me demande d'où ça sort parce que je vois rien autour qui y serait relié. C'est quand je suis sur l'autre rame et que l'odeur de bière renversée m'arrive au nez que je comprends que c'est le dude échoué sur son banc qui a fait ça. Chacun sa manière de marquer son territoire.
   Cette fois-ci je rentre dans le wagon aisément. Pas de trace de ma tuque nulle part, je rentre bredouille. Tant pis. Je regarde autour et quelque chose me frappe: tout le monde a l'air de figurants. Il y a le gars avec les cheveux trendy avec son hood, le chinois de 40 ans les yeux fermés et ses sacs de papier à ses pieds, la femme du même âge avec les grosses lunettes 70 jaunasse qui a sa journée dans le corps, le gars semi-chauve (la couronne) dans le coin, sosie du mari de la policière dans Fargo. Lui c'est le meilleur parce qu'il a même la veste beige du parfait gars de l'arrière-plan. Tout le monde est bien disposé, c'est très photogénique, donc il ne peut en être autrement.
   Fait que je me demande, je suis qui moi dans tout ça? Je sais que je suis pas le personnage principal, ni même secondaire, mon histoire est trop ordinaire. Ahh, j'allume: le gars dans la mi-vingtaine qui lit un livre. Oui, je me cache effectivement derrière mon livre, sans lever les yeux parce que je veux passer inaperçu. J'ai pas envie de regarder autour pis entendre rageusement crier "COUPEZ!" parce que j'ai regardé la caméra et qu'on ait à tout recommencer, j'aurais un peu honte.
   Ça m'agace quand même de savoir c'est qui le personnage principal. On est naturellement attiré par ces êtres mystérieux parce qu'on s'y identifie, et on le cherche encore plus quand on sait pas où il est.
    Je le vois du coin de l'oeil, c'est le gars assit avec le journal sur ses genoux, en plein milieu du wagon. Lui aussi dans la vingtaine, sauf lui c'est un petit sec mais solide, genre travailleur de la construction. Il est vraiment amoché: l'oeil solidement au beurre noir qu'on jurerait du maquillage, les ongles pis le bout des doigts tout noirs comme si ça faisait une semaine qu'il fouille dans terre pleine d'huile à monteur, sa chemise fripée et ses cheveux sales sont autant de détails qui en font le personnage intriguant. Il a visiblement passé un mauvais quart d'heure ou plus, il a l'air épuisé, les clous qu'il cogne en témoignent. C'est Fight Club rencontre Into The Wild, on dirait.
    Je connais pas le reste parce que, de mon bord, faut je débarque. C'est ici que la tech m'a dit qui fallait que je le fasse. On m'a dit qu'en haut je trouverais des muffins et du café. Salaire du figurant.

1 commentaire:

Blogueuse-à-gogo a dit…

...

Chaque fois que tu fais QUELQUE CHOSE, je suis obligée de me rendre àl'évidence : t'es bon. Dans tout.