mardi 17 février 2009

Nightclubing


   Le gros Popol vient de rentrer. Ça faisait trois semaines qu'on l'avait pas vu, depuis la dernière fois qui s'est fait barrer à vie de la place. Le boss est clément, il sait que Popol est un bon payeur.
   Je le regarde jusqu'à ce qui soit rendu au bar, dans ma tête ça va au ralentie. Les mouvements de sa graisse font des vagues dans son t-shirt, c'est reposant pour l'oeil. Je regarde ailleurs quand  y'assoit son gros cul sur le tabouret. On vois juste quatre pattes qui lui ressort de là. C'est ben bizarre, j'aime pas trop voir ça.
   Le pusher s'acharne après la machine à toutous depuis une bonne demi-heure. Dommage que ça tilte pas quand y fesse dessus, ça nous donnerais un break. J'irais ben lui dire d'arrêter un peu, de se calmer, mais je comprend rien quand y parle pis je me rappelle plus son nom. Au fond, c'est mieux qui perde son temps sur les toutous pis pas sur les machines à sous. Y devient mauvais dans ce temps-là, violent pis possessif sur les machines. Les toutous, tout le monde s'en sacre, fait que c'est mieux de même.
   Je me commande deux autres bucks. De la bière pas possible, de la vraie pisse. Mais de la pisse qui soûle quand même. Je me demande si ma propre pisse en ferait pas autant, vu le train où je les enligne tout le temps un après l'autre. J'arrête d'y penser, c'est pas des bonnes idées.
   Dire que ça a déjà été une une place à mode, icitte. Un nightclub, avec une file pis toute la gang de morpions qui viennent avec. Je me tenais pas icitte dans ce temps là, non. J'étais à deux coins de rue, dans un vrai trou qui est rendu un dépanneur. Icitte c'était trop propre, trop habillé. J'ai jamais voulu rien savoir de ces niaiseries-là. Quand mon autre bar de marde a fermé, fallait ben que je me trouve une autre place. Le boss avait déjà commencé à ouvrir de jour parce que son nightclub pognait moins. J'ai essayé, rien que pour voir.
   Au début c'était encore respectable. Les filles étaient cute pis le monde était jeune. Ça me coûtait de rentrer à chaque fois que je passait la porte le midi. Ça se revirrait quand je rentrais, là a me regarder, à me scruter comme si j'étais une espèce d'homme pas possible. J'aimais pas ça, mais j'avais pas le choix, c'était le seul bar dans le boute. En fait, j'ai jamais été voir ben ben plus loin, vu que le bar est à deux portes de la mienne. Ça m'adonnait, mettons.
   Tranquillement, les autres crottés ont commencés à rentrer. Les anciens perdus de l'autre taverne se sont mirés icitte pis sont devenus des habitués comme moi. Bozo, Marcotte, Tapette, Claude, Popol, Jean-Marde pis son frère sont rentrés dans le portrait de famille. C'est le même maudit portrait qu'avant, avec les mêmes maudites faces lettes, sauf que c'est le décors en arrière qui à changé. Au goût du jour. J'ai commencé à me sentir mieux, à mieux respirer. Ça devenait plus chez nous.
   Ça pas prit de temps que la place est devenue lette comme nous autres, la bière rendue pas buvable pis on demandait pas mieux. Les jeunes, eux autres, se sont poussés. C'est ben la première fois que les rats rembarquent quand le bateau coule.
   Fait que les temps changent, mais pas moi. Ça fait vingt cinq ans que je suis vieux, le même vieux pareil. Je demande pas rien que m'assir à ma table tout les jours et qu'on me sacre patience. Même si je parle à personne, je sais au moins qu'on me comprend. Je suis pas tu seul, y'en a d'autres.
   À deux heures et demi dans l'après-midi, je sacre mon camp faire ma sieste. Ça fait quand ben rien que depuis à matin que chu là, j'ai finis mon journal depuis un boute. Je reviens tantôt, vers cinq heures, voir si Pauline vient faire son tour. Je l'amène à ma table, j'y dis des mots doux, ça la fait rire.

1 commentaire:

LeDZ a dit…

Jean-Marde... Caliss que c'est drôle !